Septembre 2003, discours de bienvenue du Doyen de ma fac, devant un amphi comble : "Dans cet amphithéâtre (500 personnes) il y a peut-être 10 futurs avocats et 3 futurs magistrats". Ca promet, dis-donc.
Malgré l'accueil chaleureux (le Doyen nous avait par ailleurs conseillé de nous mettre à l'escrime), nous nous sommes regardés les uns les autres avec une certaine appréhension. Les Américains ont une excellente expression : "Shit just got real, y'all !".
Huit ans plus tard... Bilan de mon parcours.
Je n'ai pas eu un parcours de major de promo. Ce n'était pas forcément médiocre, je n'ai jamais redoublé ni aterri en session de Septembre, mais la mention Très Bien, connais pas. J'ai deux M2, l'un mention Assez Bien, l'autre mention Passable. Je n'ai pas le profil d'une grande intellectuelle, et honnêtement j'ai bien fait la fête en L1 et L2. J'ai également travaillé, et oui, les petits boulots étudiants, je connais, croyez-moi. J'ai donc eu une vie étudiante bien remplie, entre les cours, les TD, le boulot et les copains. Je ne regrette absolument pas. Par exemple, la fête, je connais : c'était marrant, c'était enrichissant, mais c'est bon, plus besoin d'y retourner. L'avantage est que j'ai pu faire mes expériences et que maintenant, j'ai envie d'une carrière sérieuse. Idem pour le travail : j'ai appris l'humilité, la diplomatie (même quand on ne se sent pas faire serveuse de pizza toute sa vie) et l'autonomie.
Croyez-moi, si j'ai été prise en M2 deux fois, c'est que vous aussi, vous le pouvez.
Comment vore parcours peut-il faire la différence ? Il faut mettre en valeur ses qualités propres. Certains d'entre nous ont fait des stages d'observation tous les ans, d'autres ont fait des recherches dans des sujets qui les intéressaient, ou bien sont partis en Erasmus. Mon avantage, c'est l'Anglais : j'ai la grande chance d'être bilingue, et j'ai pu grâce à cela faire un double diplôme en coodination avec une université dublinoise. C'est mon anglais qui m'a permis de faire un M2 de droit international, alors que j'avais une parcours de droit privé, ou bien qui m'a donné les points qui fallaient pour rétablir une moyenne malingre. Pour vous, ça peut être autre chose : le sport, l'art, la connaissance du japonais... Le tout est d'avoir un esprit ouvert : les dossiers ne se règlent pas que dans les Codes.
Oui mais, les études, c'est bien, mais voyons, les épreuves, il faut être surdoué pour les réussir, non ?
C'est ZE question. Lorsqu'on se retrouve confronté pour la première fois à une épreuve du concours, on se sent un peu perdu ou "on craque son string" comme dirait la Comtesse. C'est vrai que la dissertation de Culture Générale de l'année dernière "Qu'attendre de l'Etat aujourd'hui ?" est un peu destabilisante. Et ce n'est pas la seule.
Pas de panique, il faut se reporter aux rapports du jury. Celui de 2009 se trouve ici. Ces rapports sont extrêmements enrichissants. D'abord, le jury dresse un bilan de la "fournée" des candidats. Puis il précise le contenu des épreuves. Je crois que c'est suffisamment clair pour savoir ce qu'il faut ou ne faut pas faire. Les statistiques des candidats sont intéressantes : si les détenteurs d'un M2 de droit privé constituent la majorité des inscrits (632), ceux détenteurs d'un M1dans la même discipline y ont une bonne place (409), ceux détenteurs d'un diplôme IEP étant très peu nombreux (66). Si on fait le compte, cela fait 1007 candidats, alors que 1671 étaient inscrits. Ca laisse une marge pour ceux qui n'ont pas un parcours "carrières judiciaires toutes voiles dehors". Idem pour les admis : sur 80, 7 n'avaient pas un profil dans ces trois catégories. Près de 10%...
Le rapport du jury 2009 donne également une petite biographie de culture judiciaire. Faut-il tout lire ? Non, vous n'en aurez pas le temps. Ce sont peut-être des bouquins à emprunter, au gré de vos envies, à la Bibliothèque universitaire.
Alors, faut-il être surdoué pour réussir le concours ? Si on en croit le jury, non. Certes, il faut connaître le programme, mais le jury s'attend à des personnes ayant une originalité des pensée (sans pour autant tomber dans le bizarre), qui savent prendre du recul (épreuves écrites de dissertation), qui savent gérer leur temps (cas pratiques), qui savent travailler en équipe (épreuve de mise en situation) et qui connaissent les enjeux de leur profession (ils ont lourdement mis l'accent sur les 13 compétences essentielles du magistrat)
Donc, non, il ne faut pas être surdoué, il faut avoir de la culture, du recul, de la pondération et des qualités humaines. Nous en avons tous. Il faut, donc, être un citoyen respectueux et un collègue rigoureux. Les magistrats travaillent avec une foule de personnes (avocats, greffiers, travailleurs sociaux, associations,...justiciables...) donc le misanthrope n'est pas le bienvenu. Mais je sais que si vous voulez ce concours, c'est que vous le savez déjà.
Je pense que nous sommes tous capables d'exploiter nos points forts et de travailler sur nos points faibles. Se confronter à un concours tel que l'ENM, c'est d'abord se connaître. Et je ne sais pas vous, mais je m'aime bien. Malgré mon addiction au Nutella et aux émissions de Gordon Ramsay.
Ne vous inquiétez pas, on parlera du contenu des épreuves dans un autre post.
Allez, bon courage, on va tout faire péter !